Convoyage Sicile - France

4 mai 2023, 19h45.

Apres 36h de preparation du bateau et d'avitaillement, nous apareillons de Licata, au sud de la Sicile, en direction de la France. Nous sommes 5 avec JP, Antho, Erwan et Denis. Denis est novice. Certains diraient inconscient. C'est une bien belle expérience pour une première. Hormis JP arrivé la veille, les trois autres debarquent à peine de l'avion, briefing, douche et c'est parti ! La nuit s'annonce belle, quoique houleuse, avec une lune quasi pleine, et un ciel dégagé. A peine les voiles établies pour du portant, nous commencons à glisser tranquillement de nuit vers le nord-ouest. Les quarts se mettent en place. Le vent, déjà faible, tombe complètement. Le gros Yanmar avec son nouveau turbo roule alors des mécaniques jusqu'au matin. Veille attentive avec les pêcheurs qui sortent.. et qui finissent par rentrer. Dur labeur que ce métier.

La fine équipe au départ (et à l'arrivée)
La fine équipe au départ (et à l'arrivée d'ailleurs)
Un dernier coup d'oeil à Licata
Un dernier coup d'oeil à Licata
On attaque pour de vrai maintenant
On attaque pour de vrai maintenant


5 mai 2023, 10h30.

Décision est prise d'arrêter le bateau pour que JP puisse plonger de nouveau (il avait déjà plongé au port de Licata) pour finir de gratter la coque et surtout l'hélice pour que le bateau puisse être plus véloce (on se traîne lamentablement à 3,5 noeuds au moteur). Le vent rentre enfin en fin de matinée, de secteur nord-ouest. Nous commencons donc à tirer des bords en restant plutôt proche de la côte pour bénéficier d'une mer peu formée. Le vent fraîchit à force 5 --> un ris dans la GV et nous établissons la trinquette sur l'étai largable. Une petite fausse manip et crac la GV se déchire sur 5-10 cm au niveau d'un oeillet du ris 1. Ça mouille un peu, ça gîte et ça remonte bien au près ce petit Sun Legende ! On garde un oeil sur la Sicile toute la nuit. Le vent tombe. Yanmar. 

Plus aucun bulot d'agripé à Atypik

Plus aucun bulot d'agrippé à Atypik


Champagne sailing

Champagne sailing

Aubergine, gîte et marinière

Aubergine, gîte et marinière



6 mai 2023, matin.

Un contrôle de la cale moteur inquiète. Il y a de l'huile et de l'eau. Environ 4-5 litres. Aucune fuite d'huile n'est visible. Pas de voie d'eau évidente non plus. A surveiller. En milieu de journée, une petite brise d'est-sud-est s'installe et nous permet de hisser le spi. On commence à envoyer avec sa chaussette et assez rapidement je décide de libérer cette pauvre voile de cet odieux acoutrement. On est 5 non mais ! on devrait s'en sortir sans ! Paf c'est établi, ça glisse tout seul, la mer est plate, il fait beau. On croise même (enfin) un couple de dauphins en fin de journée. 48h de navigation, tout le monde est enfin amariné. Plus de mal de mer, tout va bien ! Sauf le Yanmar qui nous aide encore, à régime réduit (1600 tr/min) en attendant de trouver le ou les problèmes.

Pas jojo le fond de cale
Pas jojo le fond de cale moteur


Ah de l'air !

Ah de l'air !
Avant la prise de quart
Avant la prise de quart
Ca avance, petit à petit

Ca avance, petit à petit

On prend !

On prend !


Le jour la nuit
Le jour la nuit


7 mai 2023, 9h.

On met la douche solaire à chauffer. C'est que ça commence un peu à suinter par ici. Le spi est de nouveau établi en milieu de journée et ce jusqu'à la tombée de la nuit. En milieu d'après midi, bain-douche sur la jupe, sous spi. C'est frais et c'est bon. La Sardaigne est bien visible et nous remontons sa côte est en direction de l'archipel de la Maddalena. Jusqu'ici nous avons croisé seulement deux voiliers. Deux catamarans qui faisaient route au moteur. Sans personne à saluer à l'exterieur. La nuit tombe, le génois est déployé pour éviter une nuit sous spi à tirer des bords (fatigue), ce qui nous oblige à tirer des bords carrés. Atypik se traine et se lamente, comme les equipiers...

A l'ombre du panneau photovoltaïque

A l'ombre du panneau photovoltaïque

Poste de commandement de nuit

Poste de commandement de nuit

Ca paraît beau, mais sous génois quelle barbe !

Ca paraît beau, mais sous génois quelle barbe !


8 mai 2023, 8h.

On renvoie le spi, ouf ! La vitesse est comme le moral de l'équipage ce matin et le ciel. Bof bof. La fatigue des quarts doit commencer à se sentir, et la nuit a été usante. Quand tout à coup, un nuage bien sombre nous arrive par l'arrière bâbord assez près de la côte. Bansai ! On l'accroche et on déroule. On déboule même. Nous sommes tribord amure et le vent a fraichi jusqu'à force 4. Nous changeons d'amure et faisons route dans les bouches de Bonifacio. Force 4-5 avec un mer qui se lève gentillement. Atypik accélère et s'amuse dans des petits surfs. 7-8 noeuds. Ça paraît facile. Les Lavezzi sont à droite. Pas le temps de s'arrêter pour un petit plouf, dommage ! On reprend une météo, et le coup de vent prévu arrive bien. Dans environ 24h, tramontane et mistral seront de la fête. Deux options s'offrent à nous : on met le clignotant et on s'arrête a Bonifacio (et Atypik reste là pendant un temps indéterminé), soit on file vers le continent en cherchant un abri à l'est de Marseille. Option 2 ! Objectif vitesse pour limiter le temps dans le vent fort (et la mer qui va avec). Surfs sous spi en direction de Marseille. Ça monte à 20-22 noeuds et on est plein cul avec un petit roulis qui nous fait risquer le départ à l'abattée. "Bon les gars, on va amener le spi. Ouais c'est comme l'autre fois quand il y avait 10 noeuds. Mais avec du vent." Bonne manoeuvre, les 2 gars sur la plage avant ont fait un peu de cardio ! Après quelques heures, le vent tombe à moins de 10 nœuds, et la mer reste agitée. Avec un effet croisé désagréable, une onde vient de derrière avec le vent venant des bouches de Bonifacio, et une autre est globalement dans l'autre sens du fait d'un coup de vent (tramontane) qui soufflait 24h auparavant. Ça ressemble un peu à la pointe du raz (cœur cœur). Allez on fait péter la nautamine (pour moi) et le mercalm (pour Denis). L'équipage voyant le coup de vent arrivant et mon état pas très glorieux (bien fatigué + mal de mer) me laisse dormir sans faire de quart. Merci les gars !

Dernier bord tribord amure italien

Dernier bord tribord amure italien

Fonce !

Fonce !

Dauphins sur tribord !

Dauphins sur tribord !

Glagla

Glagla


9 mai 2023, milieu de matinée.

J'émerge péniblement. Les préparatifs sont lancés avec un équipage motivé et concentré. La GV a déjà été recousue, mais nous préférons préparer les ris 2 et 3 pour éviter de déchirer encore plus. La trinquette est vérifiée. Notamment pour prendre un ris. Des bouts de petit diamètre sont préparés et mis à poste pour ferler la voile et la garder fermement dans cette position. Un oeillet est un peu fatigué. Gros scotch gris fera l'affaire. Le repas du soir est cuisiné. Les mots croisés s'enchaînent. Le bateau est prêt, l'équipage aussi. On sent une légère tension, mais que je trouve plutôt saine. Le vent commence à monter. Nous sommes au près, avec un cap vers Hyères. On passe sous trinquette. La manœuvre se passe sans encombre. Puis ris 2 dans la GV. Puis un ris dans la trinquette avant que la plage avant soit infréquentable. Puis ris 3. Voilà nous ne portons plus grand chose. Si ça monte encore on est mal (on a un tourmentin, mais ça je l'ai oublié à ce moment-là !). Nous avons 25-30 nœuds hors rafales. La mer se forme gentillement et la nuit tombe. Pas grand monde en mer. Des rafales à plus de 30 noeuds. Bon, si ça monte encore, on abat plus à l'est avec la trinquette en moins. On file à une vitesse correct malgré la mer. Le cap que nous suivons nous amènerait vers l'île du Levant. Faut tenir maintenant. La pluie tombe. Ambiance. JP me fait remarquer que c'était pas si con que ça en fait l'obligation de s'attacher dans le cockpit par mer formée. La trinquette est un peu creuse à mon goût, elle nous donne trop de patate. La GV s'est déchirée le long de la chute sur 40cm. C'est arrivé avant le coup de vent mais pas eu le temps de réparer. J'espère que ça va tenir. Certains essayent d'aller se reposer à l'intérieur. D'après leurs dires, ça donne l'impression que le bateau va se retourner. C'est vrai que la mer est assez formée. Quelques vagues passe par dessus le bateau. Je suis agréablement étonné par le passage d'Atypik dans cette mer. Une belle carène comme on faisait auparavant ! JP a réussi à capter une météo sur la VHF. Paraît que le force 6-7 va devenir force 7-8. Bon, faut pas trainer dans les parages.

Quel bordel la cabine de JP !

Quel bordel la cabine de JP !


Sérénité et distration

Sérénité et distraction 


GV ris 2, trinquette, 18 noeuds

GV ris 2, trinquette, 18 noeuds


Là ça commence à causer

Là ça commence à causer



10 mai 2023, minuit.

Une lumière apparaît au loin. Un phare ! Ça y est, les îles du Levant. Ça donne l'impression que nous arrivons alors qu'il reste encore plus de 25 miles à courir. On croise un machin tout éclairé de partout et vomissant une épaisse fumée. Il croise à une quinzaine de miles devant, c'est le symphony of the oceans. 367 mètres, 3 000 membres d'équipage. Sont fous ces gens. En approchant de la côte, le vent "faiblit" un peu. Nous n'avons plus que 22-25 noeuds. La partie est gagnée ! Nous atterrissons au Lavandou. Tout le monde au lit. Il est 5h du matin. Nous sommes réveillés 2h après. Le vent a forci et les amarres vont lâcher. On double ou triple tout ça.  Maintenant que nous sommes debout, on range le bateau, on fait les sacs, et on prend un petit déjeuner revigorant. On débriefe. Y'a eu quelques émotions depuis 24h. Et même depuis 5 jours en fait ! 5 jours et 9h de mer pour rallier la France depuis le sud de la Sicile. Départ du bateau, tout le monde rentre chez soi. STOP, de la fumée à l'intérieur. Je reste à bord. C'est la pompe de cale moteur, à force d'avaler de l'huile pendant 5 jours, elle a fini par cramer ! Bon elle était ancienne, elle a fait de la belle job. Heureusement qu'elle nous a lâché une fois à terre. 

Arrivés à bon port, 5 jours et 9h de mer

Arrivés à bon port, 5 jours et 9h de mer



12 mai 2023, après midi. 

Je retourne à bord et identifie la fuite d'huile. Un joint du turbo a été mal remonté. C'est tout bête mais ça coule. Et en mer, compliqué de trouver cette fuite. C'est rectifié. Une nouvelle pompe de cale est commandée et sera remontée plus tard. Et pour la fuite d'eau, elle a l'air de venir du presse étoupe. Je regarderai ça plus tard car ça ne coule pas trop et la pompe fonctionne bien. Et au pire il y a la deuxième pompe de cale (qui est plus bas).

18 mai 2023, 11h.

Nous venons avec Aurélie et les enfants. On prépare le bateau et je décolle en solitaire. Direction Port Napoléon à Port-Saint-Louis, à côté de Fos. Le temps est instable. Avec des cellules orageuses. Une fois Porquerolles dépassée, je peux enfin marcher à la voile. Je louvoye au large de Toulon et passe au milieu des régatiers de la Porquerolles' Race qui descendent sous spi. Attendez moi je fais demi tour ! Ça file. Et ça monte. C'était pas prévu ça. Bon, obligé de passer sous trinquette. On marche à plus de 7 noeuds. C'est bon ! Je fais une pause pour la nuit aux Embiez. Ça coûte la peau des fesses, et ça me fait penser à Disney. Je n'ai jamais vu des sanitaires comme ça ! On pourrait manger dedans.

Et hop, une nouvelle pompe de cale moteur

Et hop, une nouvelle pompe de cale moteur



19 mai 2023, après midi.

Pas un souffle aujourd'hui. Plus de 10h de Yanmar pour rallier Port Napoléon. Je prends un joli grain peu avant d'arriver. Je m'équipe comme en Bretagne. Bottes, salopette, veste de quart, mains fripées. Manœuvre en solo. La famille arrive. Content. On passe la nuit à bord. Avec le sentiment du travail accompli. Pas d'avarie majeure, de belles émotions, des images et sensations plein la tête. Un seul regret, ne pas avoir pu partager ces moments avec Aurélie.

Cap croisette

Cap croisette


Baie de Fos et grain

Baie de Fos et grain


commentaires (1)

Antho 21/05/2023

Licalicata Licalicata Ohé ohé 😙